Non, non, rien n'a changé?
Ces dernières semaines, les marchés ont compté les jours jusqu’à l’avènement de Trump II. Que les nouvelles soient bonnes ou mauvaises – à cet égard, surtout pour les marchés non américains –, ce serait un temps de clarification. Verdict? Deux jours après l’investiture et une cascade de décrets présidentiels plus tard, pas de césure à l’horizon. Ni sur les marchés des taux, ni sur le marché des changes, ni sur les bourses. Qui fait abstraction du tsunami médiatique pour se pencher sur les graphiques n’a pas l’impression que nous sommes entrés dans une nouvelle ère.
Les taux américains restent en territoire connu. L’évolution des taux courts (ex: taux à 2 ans ‑1 pb hier, idem ce matin) n’est rien comparée à la réaction qui avait suivi la publication de payrolls solides (> +10 pb) ou d’un taux d’inflation américain légèrement inférieur au début du mois (‑10 pb). Les marchés monétaires anticipent toujours un à deux abaissements des taux par la Fed (25 pb) d’ici la fin de l’année. Serait-ce le signe que Trump II ne change rien au tableau (domestique) aux États-Unis? C’est hautement improbable. En réalité, les marchés ne parviennent pas à estimer l’impact à terme de l’enchevêtrement de mesures structurelles et ponctuelles sur la fonction de production de l’économie, non plus que sur l’inflation et donc, sur la politique de la Fed. En attendant, le calendrier offre un répit à la banque centrale américaine. Les gouverneurs ont la ‘chance’ de ne pas pouvoir s’exprimer, en raison de la période de black-out obligatoire avant la réunion de politique de la semaine prochaine. Le marché espère peut-être secrètement que Powell, armé de sa boule de cristal, y voit déjà un peu plus clair, mais c’est également peu probable. Si la réunion de politique entraîne une réaction, il y a de fortes chances pour qu’elle ne découle pas tant des premières estimations formulées par la Fed quant aux effets de la politique de Trump que des commentaires de celui-ci.Sur le marché des changes, le dollar a perdu du terrain lundi. Plus précisément, les autres devises ont repris du poil de la bête quand il est apparu que Trump n’imposerait pas immédiatement de droits de douane punitifs. Mais là encore, il y a un ‘mais’. Le Canada et le Mexique sont en ligne de mire pour la mise en œuvre de tarifs dès début février, non pas tant dans le cadre d’une nouvelle politique commerciale, mais plutôt pour les punir de laisser circuler trop de migrants et de drogue vers les États-Unis. Hier encore, Trump a invoqué un argument similaire pour justifier de premiers tarifs potentiels de 10% sur les importations chinoises. Quant à l’Europe, elle n’est pas une priorité, mais Trump n’oubliera pas l’excédent commercial élevé, actuellement en cours d’examen. Les droits de douane restent une épée de Damoclès au-dessus du Vieux Continent, susceptible de s’abattre à tout moment.
À terme, la ‘théorie Trump’ des taux de change manifestera sans doute de multiples facettes (contradictoires). D’un côté, l’on peut s’attendre à ce que l’enquête ouverte sur les pratiques commerciales indésirables conclue que les partenaires commerciaux des États-Unis lui nuisent en dévaluant artificiellement leur monnaie. De l’autre et à court terme, la menace de l’imposition de tarifs douaniers devrait rester un facteur négatif pour les devises étrangères, dont l’euro. D’emblée, le coup de semonce de cette nuit a mis le holà à la reprise du yuan amorcée lundi. De son côté, l’euro respire, l’Europe étant épargnée pour l’instant, mais la correction nous paraît temporaire. Le cours EUR/USD 1,063 (sommet de début décembre) constitue le premier véritable point de référence technique. Nous ne nous attendons pas à une rupture.
EUR/USD: reprise de l’euro ou correction du dollar?