Aurons-nous froid en 2025?
Est-il possible de parler d’énergie de manière simple et sans faire bailler? Pari tenu.
Le titre est un peu racoleur mais il est de notre devoir de nous intéresser au dernier rapport d’Elia sur la politique énergétique belge d’ici 2050*.
La presse en a fait état mais penchons-nous sur les éléments clés du rapport car on ne peut tourner le dos au moteur de notre confort et à la structure vitale de l’économie: l’électricité.
En préambule, depuis 20 ans, contrairement à notre intuition, la consommation électrique annuelle est restée constante en Belgique soit environ 80 térawattheure.
Pour comprendre le jargon, un térawattheure (TWh) est égal à la quantité d’électricité produite en 1 an. Par exemple, un réacteur nucléaire d’une capacité horaire d’un GIGA (GW) fonctionne environ 8.000 heures par an et produit donc 1GW X 8.000 heures = 8.000 GWh ou 8 TWh!
Historiquement, nos 7 réacteurs nucléaires de capacité de 6 GWh fournissaient 60% de l’électricité demandée. Démonstration: 6 GW X 8.000 heures = 48 TWH pour une demande constante de 80 TWH soit 60%; loin d’être anodin, ce calcul démontre combien notre indépendance énergétique passait par ce canal controversé.
Depuis 2022, il ne nous reste que 4 GW en fonction soit 40% de notre production et en 2025, ne demeurera jusqu’en 2035 plus que 2 réacteurs (Doel 4 et Tihange 3) soit 20% de l’électricité produite en Belgique (2 GW X 8.000 heures = 16 TWH). En 2035, exit le nucléaire, sauf revirement politique sur lequel le rapport ne se prononce pas.
Nous avons donc un fameux défi à relever: comment nous passer de cette énergie demain?
En effet, le rapport d’Elia* anticipe une diminution drastique de la consommation énergétique compensée par une explosion de notre consommation d’électricité. En synthèse, le fuel des chaudières et des voitures remplacé par les pompes à chaleur et une mobilité électrique.
Accrochez-vous! D’ici 2050, la consommation belge d’électricité va doubler. Selon les projections, une hausse de 95 à 130% est à prévoir soit 70 à 90 TWh de besoin supplémentaire.
Pour se faire une idée, cela représente environ 6.400 éoliennes offshore sachant que le facteur de charge tourne autour de 40 à 50% en fonction du vent contre 90% pour le nucléaire.
La bonne nouvelle: la production d’électricité bas carbone ne cessera d’augmenter par le biais des panneaux solaires et de l’éolien. Doublement de l’éolien onshore, quadruplement du photovoltaïque et 4 GW d’éolien offshore en plus tous les 5 ans, les chiffres du rapport sont impressionnants et on peut s’en réjouir d’autant que les énergies fossiles diminueront drastiquement.
Mais deux problèmes de taille apparaissent...
Tout d’abord à court terme c'est-à-dire en 2025, deux réacteurs fournissant 20% de nos besoins cesseront.
Que faire si nous connaissons un hiver polaire en Europe? Nous tourner vers nos voisins sans doute mais la France traditionnellement exportatrice nette d’électricité grâce à son imposant parc de 52 réacteurs nucléaires ne l’est plus pour différentes raisons (maintenance,…). Elle fut même importatrice nette d’électrons en 2022 et 2023. Plus de France, on se tourne vers l’Allemagne.
L’Allemagne investit massivement dans l’éolien et a stoppé net son programme nucléaire. Cependant, en hiver si le vent est faible, elle doit importer son courant. On comprend que si les conditions sont hivernales partout… le problème surgit. Il demeurera le gaz mais le prix de ce dernier pourrait alors exploser… ce serait très malencontreux pour notre économie.
Ensuite à long terme, direction 2050, nous sommes nus comme des vers si nous n’agissons pas car la fourniture d’une denrée aussi essentielle que l’électricité dépendra du bon vouloir de nos voisins. Les projections font état d’un doublement de nos imports en électricité.
La solution prônée par le rapport réside dans le développement massif de l’éolien offshore mais comme beaucoup de pays arriveront à cette conclusion, il faudra de fameuses discussions internationales vu le placement en eaux non territoriales de ces parcs et par ailleurs, Elia craint une explosion du prix des composants de l’éolien.
La solution de nouveaux réacteurs nucléaires est évoquée mais elle est très coûteuse, aux défis multiples en termes de sécurité et de financement et loin de faire l’unanimité sur le plan environnemental.
Notre indépendance énergétique sera un axe essentiel et stratégique pour notre futur, autant le savoir. Il faut agir maintenant car les projections sont claires. Comme disait le vieil adage: "à défaut de pétrole, il nous faudra des idées".
* Source: Elia Group – Belgian Electricity System Blueprint for 2035-2050