Publié le 16 mars 2018
La volatilité des prix des matières premières fait souvent parler d’elle sans pour autant que le consommateur final ne se sente réellement concerné par ses effets collatéraux. En cause, l’échelle souvent internationale de ces événements observés derrière le petit écran, mais aussi le laps de temps qui sépare le grand public d’une hausse des prix appliquée sur les étals. Indéniablement, ces éléments créent une distance avec une problématique pourtant bien réelle en Wallonie. Car, à y regarder de plus près, derrière cette volatilité du blé, du lait ou de la betterave, se cache une fluctuation quasi immédiate des revenus de nos agriculteurs.
Les matières premières jouent au yoyo
Sur ces 5 dernières années, chiffres à l’appui, les coûts de production moyens tant par hectare cultivé que par tête de bétail n’ont pas augmenté. Des statistiques encourageantes dont nous aurions pu espérer un effet stabilisateur sur les revenus des producteurs. Or, il n’en est rien, l’année 2016 ayant notamment été marquée par un recul important de ces revenus. D’ailleurs, si l’on prend la valeur ajoutée nette du secteur agricole à l’économie belge, cette dernière avait chuté de 13%. Deux facteurs expliquent cette chute importante, à savoir la très forte concurrence sur le lait avec la fin des quotas en 2015, ainsi que dans le secteur des céréales suite à la concurrence de la Russie et de l’Ukraine.
L’année 2017, quant à elle, a été marquée par la reprise avec une hausse de 33% de cette valeur ajoutée nette du secteur agricole, selon les chiffres publiés par Statbel.
Au niveau des céréales, après une année catastrophique en 2016, 2017 a permis aux agriculteurs de retrouver une hausse de leur production en volume.
La hausse de production de betteraves est également à épingler avec la fin des quotas au 1er octobre 2017. Toutefois, avec le prix des betteraves au plus bas, les revenus n’ont pas suivi. En moyenne au niveau européen on estime que la fin de ces quotas a provoqué une hausse d’environ 20% des emblavements de betteraves.
Et donc, selon les comptes macro-économiques de l’agriculture, malgré la diminution des prix, vu la hausse de la production et des rendements excellents, la valeur de la production devrait quand même augmenter. Il faut ajouter à cela une diminution des intérêts payés avec la baisse des taux d’intérêt dans la zone euro ces dernières années qui ajoute à une forme d’embellie.
Une situation n’est pas l’autre
Il ressort de cette analyse que tous les agriculteurs ne sont pas logés à la même enseigne. Les exploitations largement diversifiées devraient avoir vus leurs revenus progresser en 2017 et compenser en partie leur chute des années 2016 et 2014.
Bernard Keppenne - Chief Economist
La hausse du prix du lait devrait avoir influencé positivement les revenus de nos producteurs, même si les niveaux atteints restent largement inférieurs à ceux de 2014.
Par contre, la surproduction de pomme de terre au niveau européen a provoqué une chute des prix qui est venue complètement éroder les revenus. Pour ceux qui sont spécifiquement des producteurs de pomme de terre, la perte est conséquente. Car malgré la forte hausse de la production, les prix devraient reculer fortement et entrainer un recul de la valeur de la production d’un tiers selon les comptes macro-économiques.
Quant au pétrole, si la hausse du prix du baril a eu un impact négatif, après il faut le souligner trois années de recul, en revanche, les volumes consommés en engrais ont nettement reculé, ce qui a amoindri la facture. L’effet positif de la baisse du prix du baril les années précédentes n’a plus joué dans les coûts, bien au contraire, mais par contre les perspectives de voir le prix du baril se stabiliser autour des 65 dollars cette année devrait stabiliser cette facture.
En conclusion, même si les prix des matières premières agricoles vont encore fluctuer, il faut espérer que l’on connaisse une légère tendance à la hausse sur les prix qui pourrait alors permettre une certaine stabilité des revenus des producteurs wallons. Preuve en est donc faite que c’est bien la fluctuation des prix des matières premières qui mène la danse.