Investir en bitcoins: un rêve virtuel devenu un cauchemar réel!
Même si cette semaine ils se sont quelque peu stabilisés, depuis le début d’année les marchés boursiers affichent une performance très décevante allant de – 13.8% pour l’indice Stoxx 600 Europe à - 16% pour l’indice S&P 500, ce dernier sauvant quelque peu l’honneur grâce à la hausse du dollar (le recul n’atteint plus alors "que" 5.3%). Les bourses chinoises ne sont pas plus alertes et en 2022 seul le Japon fait un peu exception. On connaît les causes de ces déconvenues : hyperinflation, forte hausse des taux, recul économique,…
Par ailleurs, l’année 2022 se caractérise de manière exceptionnelle par la performances décevantes concernant en fait à peu près TOUS les actifs financiers et donc non seulement les actions, mais aussi les obligations - à priori plus défensives que les actions - , et même l’or, "valeur refuge" par excellence.
Mais il y a pire, bien pire… Le bitcoin, la "reine des cryptomonnaies" - ou plutôt des cryptoactifs - connaît une terrible descente aux enfers depuis quelques mois. Beaucoup d’investisseurs - ou plutôt spéculateurs - téméraires s’y sont donc brulé les doigts en espérant un gain (très) facile et (très) rapide. Mais comme l’écrivait très récemment l’économiste Geert Noels "La génération FIRE ("Financial Independence, Retire Early") mise beaucoup sur les crypto-monnaies pour devenir rapidement indépendante financièrement et obtenir des rendements élevés. Ce n'est pas de l'investissement, c'est du jeu. Vous pouvez également jouer à la loterie toute votre vie dans l'espoir de devenir financièrement indépendant, mais n'y comptez pas trop." La culture actuelle de l'argent rapide est mauvaise et dangereuse | L'Echo (lecho.be). Et s’il est vrai que certain(e)s ont réellement fait fortune dans les cryptoactifs, comme à la loterie, ces exemples minoritaires sont montés en épingle et largement commentés sur les sites spécialisés…
Comme on le voit sur le graphe ci-dessous, depuis son sommet historique du 9 novembre 2021 à 67.734 USD, le bitcoin s’est effondré, perdant plus de 70% et ne cote plus actuellement que 20.600 USD! Un rêve de richesse s’est ainsi mué en cauchemar…
Comment expliquer cette terrible déroute? L’envolée des taux d’intérêts qui pénalise la valeur des actifs risqués et, à fortiori, les actifs spéculatifs est souvent évoquée.
Mais de quelle valeur parle-t-on? N’en déplaise d’abord aux aficionados du bitcoin, PERSONNE n’a jamais pu expliquer, de manière rationnelle et argumentée, quelle valeur aurait ce cryptoactif! Pourtant, les dernières années, de nombreux sites annoncent des valeurs données par des “ gourous” (?) ou supposés spécialistes qui estiment que le bitcoin vaudrait 50.000, 100.000, voire 500.000 USD pièce! Ainsi par exemple les analystes de la firme d’investissement ARK ont écrit un rapport en janvier 2021 estimant que si les investisseurs institutionnels de la planète investissaient ne serait-ce que 6,5% de leur portefeuille dans le bitcoin, ce dernier serait propulsé jusqu’aux 500.000 USD. ARK–Invest_BigIdeas_2021.pdf (ark-invest.com). Et plus récemment, en janvier 2022, ARK a publié une mise à jour du rapport, où l’objectif est un bitcoin à 1.000.000 USD en 2030 (!), tant qu’à rêver, autant fantasmer finalement!
Selon le site spécialisé CoinMarketCap, à ce jour, 19.145.368 bitcoins exactement ont été créés par “ minage”, depuis les débuts en janvier 2009, sur les 20.999.999,9769 théoriquement possibles. Le nombre limité de bitcoins en circulation combiné aux achats massifs que les gestionnaires devraient faire pour arriver au pourcentage de 6.5% des fonds totaux, expliquerait, par l’effet de rareté, le chiffre de 500.000 USD évoqué ci-dessus. Appliqué à d’autres actifs, comme par exemple des actions d’une société au nombre limité, ce raisonnement simpliste validerait également une valorisation stratosphérique de l’action!
Mais de toute façon, hors quelques intérêts polis et limités, jusqu’à présent très peu d’investisseurs institutionnels osent investir dans le bitcoin. Pourquoi? Outre l’énorme volatilité de ce cryptoactif, l’absence d’organisme(s) de contrôle est un souci majeur. D’autant que les cryptoactifs font souvent la Une des media car associés à du blanchiment d’argent ou des affaires criminelles (piratages, demandes de rançons,…).
Ainsi en février 2022, les Etats-Unis ont réalisé une saisie record de bitcoins. Ils ont récupéré 3,6 milliards de dollars, soit 94.000 des 119.754 bitcoins dérobés lors du piratage de la plateforme Bitfinex en 2016 et envoyés à 2.075 adresses sous le contrôle du pirate. Piratage de bitcoins: saisie record de 3,6 milliards de dollars aux Etats-Unis | Les Echos. Autre affaire qui a fait grand bruit, le géant des distributeurs automatiques de bitcoin, General Bytes, a été victime d’une attaque le 18 août dernier. Les hackers ont pu compromettre et devenir les administrateurs des distributeurs de bitcoin. Ainsi, ils ont pu transférer les fonds, non pas sur les portefeuilles des utilisateurs, mais vers leurs propres adresses. Piratage massif de 9000 distributeurs de bitcoins: General Bytes au coeur de la tempête - Journal du Coin. En avril, la plateforme russe Hydra, active sur le “ Dark Web” et leader mondial de la vente de drogues en ligne et du blanchement de cryptos, a pu être fermée. De 2016 à sa chute, elle avait brassé 5,2 milliards de dollars de transactions illicites en cryptos, selon la justice américaine…
Marsh, 1er courtier d’assurance au monde, a estimé de son côté que les paiements en bitcoins représentaient environ 98% des paiements dans les cas d’extorsion par rançongiciel (logiciel malveillant cryptant les données d’un particulier ou d’une société et ne les décryptant qu'après versement d'une rançon). En 2021, selon le Crypto Crime Report, le butin relatif aux rançongiciels s'élèverait à 602 millions de dollars. Toutefois, l'étude estime que tous les cas n'ont pas encore été recensés et que ce chiffre devrait être plus important. As Ransomware Payments Continue to Grow, So Too Does Ransomware’s Role in Geopolitical Conflict - Chainalysis.
Enfin, les mises en garde des autorités dans de nombreux pays se multiplient aussi concernant les plateformes frauduleuses de trading spécialisées dans les cryptoactifs comme en atteste par exemple un avis récent de la FSMA belge (Attention aux plateformes frauduleuses de trading spécialisées dans les cryptomonnaies | FSMA
A noter par ailleurs que dans le domaine des cryptoactifs, certains investisseurs se placent avec des grosses positions assises sur des niveaux minimums. On appelle cela "Hodl" dans le langage crypto (et non "Hold" comme en Bourse) qui signifie que l'on achète un actif et que l'on ne touche plus à rien. C’est la position classique de ce qu’on appelle les "Whales" (les baleines) qui détiennent de grosses positions dans les cryptoactifs. Et si leurs niveaux sont enfoncés, elles vendent tout. Selon le média spécialisé The Block, 210 millions de dollars de positions longues en bitcoin ont été ainsi été liquidées le 19 aout dernier. Bitcoin traders hit by $210 million of long liquidations on Friday (theblock.co).
Des problèmes propres au secteur des cryptoactifs ont aussi sapé le moral des investisseurs ces derniers mois, et en particulier l’effondrement de Terra Luna et de son stablecoin (un jeton digital censé être très peu volatil, car relié au dollar US) dont l’écosystème pesait près de 60 milliards de dollars. S’en est suivi la crise de liquidités des plateformes de finance décentralisée (Celsius Network et 3AC). Le service de placements et prêts en cryptoactifs Celsius Network a d’ailleurs été mise en faillite, tout comme Voyager Digital. Le succès de Celsius reposait sur des taux défiant toute concurrence: 18% promis aux épargnants et 0,1% aux emprunteurs… Certaines autres plateformes comme CoinFlex, Babel Finance ou Binance ont, quant à elles, suspendu momentanément les retraits, faute de liquidités suffisantes ou évoquant des “ blocages”.
Autre problème majeur, en ces temps de crise énergétique et de défi climatique, la création de bitcoins exige l’utilisation de quantités astronomiques d’électricité, ce qui est très mal vu des autorités… L’université de Cambridge estime ainsi qu’actuellement la création de bitcoins exige 93.1 TWh d’électricité par an alors que, par exemple, la Belgique n’utilise “ que” 81.2 TWh par an!
En résumé, comme l’a souligné récemment le très réputé Times (Bitcoin crash: what's behind crypto collapse? - Times Money Mentor (thetimes.co.uk): “ Les cryptoactifs suscitent un certain nombre d'inquiétudes qui en assombrissent les perspectives:
- Les mesures de répression dans des pays comme la Chine
- Les appels à une plus grande réglementation dans le monde entier
- Les préoccupations environnementales (la surconsommation d’électricité)
- Les problèmes de sécurité et piratages
- Leur prix est basé uniquement sur la spéculation”…
Rappelons enfin qu’en Belgique, pour une gestion “ en bon père de famille”, les bénéfices d’un investissement sont exonérés d’impôt. Par contre, pour de la spéculation - ce qui caractérise la plupart des transactions en cryptoactifs - les plus-values réalisées seront taxées comme revenus divers, donc au taux de 33% (en dehors des taxes communales). Il faut aussi savoir que la plupart des banques belges signalent que les clients qui souhaitent transférer de l’argent sur un compte bancaire à partir d’une plateforme de cryptomonnaie sont sévèrement contrôlés, et qu’elles se réservent le droit de ne pas accepter le transfert si elles soupçonnent des irrégularités (suite à une a réglementation de plus en plus rigoureuse en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du crime).
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