Survivre et prospérer: les raisons des regroupements d'entreprises
L’union fait la force, nécessité fait loi…
Ces deux devises décrivent une réalité économique: les entreprises peuvent se regrouper pour diverses raisons, notamment la création de valeur pour l'entreprise, l'actionnaire et la société.
Ensuite mutualiser les coûts, rationnaliser l’organisation, la production, l’administration,… mais aussi faire face en commun à un environnement difficile, à l’investissement dans la digitalisation et l’IA, le recrutement problématique de talents, s’adapter à un nouveau cadre réglementaire, se réinventer et conserver son Pricing Power… mille et une autres raisons pour joindre ses forces et se lancer dans la course au gigantisme.
Aujourd’hui de nombreux prestataires de service font ce choix: professions médicales, professionnels du chiffre, notaires, pompes funèbres, … dans certains secteurs on parlera de véritable concentration.
Pour les valeurs cotées, la création de valeur suite à une fusion, un regroupement, une OPA est-elle assurée? La réponse est nuancée.
- Le secteur pharmaceutique est naturellement agité par ces rachats: sponsoriser la recherche auprès d’une biotech par exemple, la mettre en incubateur, pour qu’une fois des résultats probants obtenus, la racheter… gagner du temps sur la recherche et regarnir son assortiment de nouvelles molécules.
Mais la majorité des recherches entamées débouche sur des échecs, coûteux en temps et capitaux. De plus, la chasse à la réduction des remboursements des médicaments vient en permanence contrarier le tableau idyllique. Ces derniers jours, deux producteurs de molécules "anti-obésité", des géants de l’industrie, sont dans le collimateur du nouveau locataire de la Maison Blanche: le déremboursement rapporterait 15 milliards USD1. Tentant pour un état très endetté… Géantes ces sociétés pharmaceutiques, certes, mais dépendantes des budgets des états.
- Les grands de la technologie utilisent les mêmes recettes d’incubation. Pas une semaine sans que les 7 magnifiques, notamment, révèlent un rachat, une prise de participation. Tout cela pour faire un énième jump technologique, dans l’IA, ou le stockage de datas. Innovation génératrice de toujours plus de valeurs pour celles qui drainent toute l’actualité et tous les flux entrants, en USD bien sûr. Parfois le deal est perdant, mais ils sont armés pour supporter quelques échecs. La concurrence vient parfois de plus petits que soi: DeepSeek en est un exemple éclatant et renversera peut-être la table.
- Les regroupements des valeurs brassicoles ont marqué une génération d’investisseurs belges: acquérir des marques, des producteurs, acheter des parts de marché… alors que le marché historique est mature, voire recule car le consommateur change ses habitudes. Et lorsque le nouvel arrivant à la santé américaine évoque les effets négatifs de l’alcool sur la santé… le doute gagne les marchés. Création de valeur?
Donald Trump, moteur d’un nouveau cycle de regroupement?
A l’approche des élections américaines, les marchés avaient déjà fait leur choix: le nouveau président sera D. Trump et son programme basé sur l’instauration de nouvelles taxes douanières, la relocalisation de l’activité mais surtout sur la dérégulation donnera des ailes au secteur des valeurs financières notamment. Une guerre commerciale qui ne dit pas son nom, un protectionnisme décrit dans un article relayé par notre Chief Economist.
La repentification de la courbe des taux, sous l’action des banques centrales qui réduisent les taux courts grâce au recul de l’inflation, des marchés très actifs et une économie qui fait preuve d’une santé insolente auront permis aux banques américaines d’afficher une croissance des résultats décoiffante.
Alors que l’Allemagne peine à protéger un champion national d’une reprise italienne qualifiée d’agressive, (28% du capital de Commerzbank est déjà dans les mains d’Unicredit2), la course à la concentration des assets managers est bel et bien lancée.
A l’occasion de la publication de résultats jamais vus, le numéro un mondial de la gestion d’actifs, Blackrock, annonçait avoir désormais 11.550 milliards de dollars sous gestion. Pendant ce temps, les annonces européennes de regroupement s’accumulent… en vue d’atteindre le seuil des 2.000 milliards d’euros par acteur3. Ils sont maintenant trois grands groupes dans cette catégorie, mais à grande distance du maestro! Face à la dérégulation et la prévisibilité de l’économie américaine, nos assets managers nationaux peinent à conserver leurs 30% de part de marché mondiale. Moins puissants, moins rentables car plus contraints par un déséquilibre régulatoire.
Se regrouper pour exister: objectif unique de bon nombre de secteurs européens face à l’arrogante domination américaine. L’énergie, l’automobile, les minières,… sont également en tête de liste des "candidats" à la recherche d’efficacité!
Deux chiffres pour s’en convaincre:
- L’indice mondial Morgan Stanley, regroupant les plus grandes capitalisations boursières, est composé à 72% de valeurs américaines.
- Les prévisions de croissance des bénéfices pour 2025 sont de 15% aux USA et de 8% en Europe selon une étude réalisée par KBC Asset Management. Après les élections américaines, l'indice Dow Jones des Small Cap a grimpé, bien que cette dynamique se soit atténuée, le SP 500 attirant désormais toute l'attention.
Quoiqu’il en soit, le segment des petites et moyennes capitalisations européennes et américaines demeurent le terrain de chasse idéal des géants, des grands prédateurs. A suivre avec attention dans un marché avide de concentration et d’efficience!
Et si nous, Européens, nous prenions conscience de nos points forts? Se regrouper pour survivre ne sera pas suffisant et manque d’ambition. Les nationalismes des membres de l’UE sont le piège à éviter.
Donald Trump a donné le tempo. Les quatre années à venir seront "rock’n roll" pour de nombreux secteurs. Il revient à l’Europe de ne pas faire tapisserie et de rentrer dans la danse… sans tarder.