Question à un expert: «Le repreneurship, nouvelle tendance en Wallonie?»

Philippe Desomberg, Responsable Fusions et Acquisitions chez CBC Banque

Question à un expert: «Le repreneurship, nouvelle tendance en Wallonie?»

Philippe Desomberg, Responsable Fusions et Acquisitions chez CBC Banque

A l’horizon 2020-2025, les dirigeants de près de 10.000 entreprises wallonnes seront concernés par la transmission de leur entreprise. Dénicher les acquéreurs potentiels en toute discrétion et négocier l’achat, entre considérations financières et juridiques, seront les défis de la plupart de ces entrepreneurs. La Wallonie, quant à elle, fait également face à un enjeu de taille: le vieillissement de sa population dirigeante. Focus sur des intérêts souvent communs.

23% des entreprises wallonnes changeront de main d’ici moins de 10 ans

Maintenir une entreprise dans sa région d’origine relève du fondamental pour le tissu économique wallon. C’est d’ailleurs une volonté de la Région wallonne qui constate, et soutient par la même occasion, un nouveau phénomène économique et social sur ses terres: le repreneurship, qui s’impose progressivement aux côtés de l’entrepreneurship, a le vent en poupe et veille à la conservation du savoir-faire et du savoir-être wallon. Car quand une société est en phase de liquidation, c’est une activité qui meurt en Wallonie. 

Le débat dépasse largement celui de l’argent. D’ailleurs, la Wallonie compte plus de patrons humains qu’on ne le pense et qui sont attentifs au profil de l’acquéreur. Jusqu’à une certaine taille de société, chacun sera soucieux de rester sur le marché belgo-belge. Au-delà, s’impose alors la nécessité d’élargir les horizons, plus l’entreprise à vendre étant grande, plus l’international devenant incontournable. 

L’entrepreneur wallon rencontrera alors différents types de repreneurs:                                                           

  • Le repreneur intra-familial à qui l’entreprise pourra être cédée, gratuitement ou non, suivant des considérations d’ordre privé et de structurations patrimoniales familiales.
  • Le repreneur déjà actif dans l’entreprise en tant que salarié. Nous parlerons alors de MBO (management buy-out).
  • L’acquéreur stratégique qui a envie de grandir en acquérant un concurrent, de se diversifier, ou encore de réaliser une intégration verticale en achetant l’un de ses fournisseurs ou clients.
  • L’acquéreur «particulier», fortuné ou non, en quête d’un nouveau challenge. 
  • L’investisseur financier appelé private equity funds.

D’autres opteront pour une introduction en bourse réservée aux plus grandes entreprises ayant déjà une belle histoire à raconter et surtout à écrire. 

Le commun des mortels ne sait pas estimer la valeur d’une société

Philippe Desomberg, Responsable Fusions et Acquisitions chez CBC Banque

«Le patron d’une TPE, voire d’une PME, ne sait pas toujours que son entreprise est monnayable et encore moins à quelle hauteur. Il y a donc parfois des bonnes et des mauvaises surprises. Nœud de l’équation, la valorisation d’une entreprise n’est pas toujours le reflet parfait de son prix final. Sur le marché, on considère d’ailleurs généralement une variance de 15%, due au nombre d’acheteurs potentiels, de l’urgence d’achat ou de vente, du pouvoir de négociation et des forces de persuasion des parties autour de la table. Mais au bout du compte, le prix se retrouve généralement dans la fourchette de valeur déterminée au préalable.» explique Philippe Desomberg, Responsable Fusions et Acquisitions chez CBC Banque.

Concrètement, trois méthodes permettent de mettre un chiffre sur la valeur d’une entreprise: 

  • La méthode des fonds propres corrigés (valeur patrimoniale)
  • La méthode des multiples et des cessions similaires (valeur de marché)
  • La méthode des flux de trésorerie futurs à actualiser (valeur de rendement)

«Entre un vendeur qui voudra généralement maximiser son prix et l’acheteur qui voudra le minimiser en privilégiant l’une ou l’autre méthode de valorisation, l’un des objectifs du conseiller M&A est donc d’accompagner son client (vendeur ou acheteur) dans les négociations de prix souvent ardues.» explique Philippe Desomberg.

La vente totale de l’entreprise n’est pas toujours l’unique solution

Plusieurs raisons amènent un entrepreneur à envisager de céder totalement son entreprise. L’âge est le clignotant principal de ceux qui pensent à leur vie d’après, suivi par l’opportunisme. En effet, «certaines offres ne se refusent pas». Il peut également arriver qu’un entrepreneur pense que son produit est arrivé en fin de vie ou encore que lui-même considère avoir atteint sa limite de compétence managériale et qu’il est temps de céder le flambeau. Cette décision devra être mûrement réfléchie et la vie «après cession» devra être repensée car se séparer de son bébé correspond à un véritable processus psychologique. 

En parallèle à ces cessions totales, il existe des cessions partielles pour les dirigeants/actionnaires souhaitant encore travailler mais désireux d’ouvrir leur capital pour diverses raisons comme des besoins en capital pour grandir plus rapidement et au passage profiter de know-how supplémentaires apportés par le nouvel actionnaire ou encore désireux de céder une partie du capital afin de sécuriser financièrement son après-vie professionnelle…   

«Un conseil essentiel: assurez-vous que vous êtes prêts à vous séparer de votre entreprise, du moins en partie, car de nombreuses solutions existent.» conclut Philippe Desomberg.

Interview